• 23 octobre 2024
  • Last Update 16 octobre 2023 10 h 47 min
  • Montréal

LA BOXE ET LE HOCKEY : QUELQUES SIMILITUDES
(DEUXIÈME PARTIE)

LA BOXE ET LE HOCKEY : QUELQUES SIMILITUDES<br>(DEUXIÈME PARTIE)

Par Rénald Boisvert

À la boxe comme au hockey, certains mythes sont persistants. En général, ces fausses croyances, souvent idéalisées, vont nuire et retarder considérablement le développement des athlètes. Peut-être que vous ne serez pas étonnés d’apprendre que la boxe et le hockey ont en commun d’être confrontés aux mêmes mythes. Ce sera le sujet du présent texte.

Comme dans le premier article – https://boxingtownquebec.ca/la-boxe-et-le-hockey-quelques-similitudespremiere-partie – je vais meréférer aux propos du commentateur Guy Boucher dont les analyses sur le hockey ont été pour moi une source abondante de réflexion.

LE SENS DU HOCKEY

Par définition, un mythe est généralement très ancré chez les personnes qui y adhèrent. Par conséquent, dénouer un mythe n’est pas chose simple. Selon l’une de ces fausses croyances, le sens du hockey ne s’apprend pas. En d’autres mots, « ou tu l’as, ou tu ne l’as pas! »

Au sujet de ce mythe, Guy Boucher s’exprime avec vigueur. Selon lui, bien au contraire, « le sens du hockey s’apprend! » Écoutez-le bien dans la vidéo qui suit :

https://youtu.be/F1Mt0E8tvKo

Dans cette vidéo, Guy Boucher expose clairement son point de vue. Outre les « propensions naturelles » (génétiques) de l’athlète, il est possible pour celui-ci de développer son sens du hockey ainsi que sa capacité à lire le jeu. Ce point de vue est essentiel sur le plan pédagogique. J’y reviendrai. Pour le moment, je m’attarderai sur ce qu’il en est de la boxe eu égard aux propos de Boucher.

LE SENS DE LA BOXE

Selon Guy Boucher, le sens du hockey se définit comme étant la capacité du joueur à lire et attaquer les espaces libres. Du point de vue du boxeur, ceci pourrait très bien se traduire par la capacité à lire et attaquer les ouvertures laissées par l’adversaire. D’ailleurs, j’aime bien l’expression utilisée par Boucher : « prendre une photo des espaces libres ». Ceci fait appel notamment au développement de la vision périphérique de l’athlète. Cela s’apprend! 

En boxe comme au hockey, l’habileté consistant àdéceler les ouvertures repose en grande partie sur un développement d’ordre cognitif. Ce n’est donc pas en répétant mécaniquement certains drills que le jeune sportif améliorera cet aspect. Ceci dit, les drills répétitifs demeurent essentiels au développement de l’athlète, mais ils sont loin d’être suffisants.

Pour ce qui est de l’amélioration des aspects cognitifs (concentration, perception, lecture de l’adversaire, prise de décision, etc…), s’imposent donc des entraînements qui exigent des effortscognitifs. Par exemple, l’anticipation ne s’acquiert pas par un travail mécanique et répétitif, mais plutôt en sollicitant la capacité de repérer chez l’adversaire (ou le sparring-partner) le rythme, lavitesse et les automatismes. Pour ce faire, l’entraîneur doit amener le jeune boxeur à réfléchir par lui-même, à observer et à agir, notamment lors des séances de sparring (mais non exclusivement), en fonction de ce qui se présente à lui.

À la toute fin de la vidéo, la réaction de Guy Boucher par rapport à ce type de questionnement est virulente. Il déplore le fait qu’on passe beaucoup de temps à enseigner aux jeunes joueurs de hockey des drills peu efficaces (ex : passer la rondelle entre les jambes du joueur adverse) alors que l’aptitude consistant à lire le jeu est souvent ignorée. Je comprends très bien que Guy Boucher s’enflamme en abordant cette question. D’ailleurs, il aurait probablement la même réaction en observant le type d’apprentissage qui est généralement offert à nos jeunes boxeurs.

L’INTELLIGENCE N’EST PAS FIGÉE

L’une des fausses croyances parmi les plus tenaces est certainement que l’intelligence serait figée. Aussi, on a longtemps cru que le cerveau était la partie du corps humain dont les connexions cellulaires (neurologiques) ne pouvaient pas se renouveler. De nos jours, on sait au contraire que plus un individu est confronté à des expériences nouvelles, plus vont se ramifier de nouvelles connexions.

Bien sûr, il y a le bagage génétique qui doit être pris en compte lors de l’évaluation d’un athlète. Mais on aurait tort de s’y limiter. Il ne faut pas céder à la tentation de croire que la génétique fait foi de tout. Ce n’est pas pour rien que l’on compare le cerveau à un muscle. Ainsi, sans être un muscle, le cerveau est entraînable. Par conséquent, le cerveau devient lui aussi plus performant en s’entraînant. Pour ce faire, ilimporte cependant de bien cibler les stimulations intellectuelles et cognitives qui vont favoriser son développement.

Au hockey, Sidney Crosby est certainement l’un des exemples les plus remarquables de ces athlètes qui mettent à profit leurs aptitudes cognitives et intellectuelles. Dans cette vidéo, Guy Boucher parle de ce joueur de hockey exceptionnel.

https://youtu.be/SVpp2zz4cAU

Il existe donc un nombre considérable de feintes qu’il est possible d’utiliser au hockey. Ce nombre peut paraître démesuré; il l’est certainement pour la plupart des joueurs. On dira alors que Crosby est dans une classe à part. C’est vrai! Mais ceci ne signifie pas qu’on doit renoncer à développer un nombre appréciable de feintes chez les jeunes joueurs de hockey sous prétexte que ceux-ci ne font pas partie de ces athlètes d’exception.

Chez nos jeunes boxeurs, la situation n’est pas très reluisante eu égard à cette question. Le nombre de feintes apprises et maîtrisée est généralement limité au strict minimum. Or, au lieu d’avantager le jeune boxeur, une utilisation peu diversifiée des feintes tend plutôt à le rendre vulnérable. La raison est simple : le boxeur devient alors prévisible et davantage exposé.

Le recours aux feintes n’est qu’un exemple de ces habiletés qui relèvent d’abord de la dextérité et de la mobilité, mais par rapport auxquelles les aspects cognitifs ajoutent une plus-value souvent essentielle. Aussi, il reste encore un énorme travail à faire pour amener les jeunes boxeurs (et leurs entraîneurs) à intégrer davantage l’apprentissage de ces facteurs d’ordre cognitifs dans leurs séances d’entraînement.

Par exemple, cela commence par identifier le type de feedback auquel devraient se livrer le boxeur et ses entraîneurs. Dans le but de susciter la réflexion chez l’athlète, ne doit-on pas l’inviter à se questionner davantage? Il y a beaucoup de changement à faire à cet égard. Sur le plan cognitif, les boxeurs ont plutôt l’habitude de recevoir un enseignement du type « tout cuit dans le bec ». La stimulation intellectuelle reste alors pauvre, sinon inexistante. 

Il en est malheureusement de même lors des séances vidéo. La plupart du temps, l’analyse y est unidirectionnelle. Pourtant, il est maintenant admis qu’un athlète accélèrera son développement s’il y participe activement. Bref, il s’agit en fait que celui-ci soit invité à envisager cette participation comme étant une résolution de problème au cours de laquelle l’entraîneur joue le rôle de guide.

Enfin, certains drills pourraient comporter des choix stratégiques que l’athlète aurait à résoudre par lui-même. Bien évidemment, le niveau d’autonomie à atteindre ne serait pas alors le même pour le novice que pour le boxeur expérimenté.D’ailleurs, sur ce point, les entraîneurs ne doivent-ils pas faire preuve de flexibilité? Par conséquent, il va de soi que les athlètes ont intérêt à disposer d’une latitude plus ou moins grande selon leur progression, mais aussi en regard de l’aptitude propre à chacun.

CONCLUSION

Pendant longtemps, on a cru que les habiletés cognitives, souvent décrites sous le vocable « intelligence du ring », étaient l’affaire de quelques boxeurs d’élite. Pour ces autres jeunes pugilistes qui semblaient dépourvus de ce typed’habileté, il ne leur restait que les attributs du « brawler ». Cette conception polarisée ignorait tout de la possibilité qu’un jeune athlète en vienne à se développer à un âge plus avancé (ce qu’on appelle la maturité tardive). Bien sûr, on ne se doutait pas non plus qu’un entraînement judicieusement adapté aux dispositions particulières d’un athlète pouvait amener celui-ci à élever le niveau de ses habiletés cognitives.

Soit dit en passant, il y a eu de tout temps des« brawlers » d’une grande finesse. On n’a qu’à penser aux Julio Cesar Chavez, Marvin Hagler, Roberto Duran, etc… Hélas, les « brawlers » ne sont pas très nombreux à avoir reçu de leurs entraîneurs un enseignement favorisant une boxe raffinée. Ce n’est habituellement pas une caractéristique que l’on recherche chez eux.

Ainsi, tout porte à croire que l’enseignement des habiletés intellectuelles et cognitives dans le sport ne s’est pas encore tout à fait débarrassé des fausses croyances. Or, grâce aux avancées dans les recherches sur le cerveau, la science du sport devrait éventuellement nous fournir les moyens de venir à bout de ce vieil obstacle. Le cas échéant, la qualité de nos enseignements s’en trouvera assurément améliorée.

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