Les dieux de la boxe ont envoyé Erik Bazinyan à la guerre, jeudi dernier, alors que le toujours coriace Jose de Jesus Macias l’attendait de pied ferme sur le champ de bataille du Casino de Montréal. Le combat était spectaculaire et la victoire fut acquise, mais plusieurs s’attendaient à une victoire nettement plus aisée du fils de l’Arménie. C’est comme si nous avions tous oublié l’objectif même du combat.
Après le duel, Marc Ramsay expliquait que l’idée était d’opposer son boxeur à un défi « plus physique » en Macias, après qu’il est affronté le « technicien » Alantez Fox quatre mois plus tôt.
« Tu dois avoir goûté à toutes les soupes pour t’améliorer. Sinon, tu arrives contre l’élite et la soupe te brûle », imageait Marc Ramsay, après le combat.
Pour y avoir goûté, il y a goûté, notamment au 7e round, où « El Chaguito » a paru ébranler « Bzo ». Oui, c’était plus compliqué que prévu, mais tout de même, le boxeur de 28 ans ne s’est pas noyé dans le chaudron. Surtout, il est sorti de la cuisine avec une bonne dose d’expérience. C’était ça l’idée, car les performances éclatantes « vendent » davantage, mais l’expérience, elle, ne « s’achète » pas. Elle s’acquiert et souvent à la dure. Marc Ramsay le savait, nous, on l’avait sans doute oublié.
En toute transparence
De l’autre côté de la médaille, si plusieurs s’attendaient à « une balade dans le parc » du boxeur local, c’est que plusieurs éléments le laissaient présager. D’abord, le mexicain est sans équivoque bien meilleure que sa feuille de route de 28-12-4 le laisse croire. Du côté canado-arménien, c’est un peu l’inverse, avec une fiche 30-0.
« Il ne faut pas non plus oublier qu’il boxe pro’ depuis qu’il a 18 ans […]. Quand j’ai commencé à travailler avec lui, ce n’était pas tant d’améliorer des choses chaque combat, c’était surtout de laisser son corps devenir celui d’un homme », explique Ramsay.
À cause de tous ces chiffres, on semble oublier que le québécois d’adoption est dans un processus de développement. En toute franchise, le promoteur d’EOTTM, Camille Estephan, a avoué qu’il ne croyait pas que son tigre était « prêt » pour Canelo. Mais s’il ne l’est pas aujourd’hui, cela ne veut pas dire qu’il ne pourrait pas l’être un jour, alors qu’Estephan estime que Bazinyan est « peut-être à 80% » de son plein potentiel.
Aux yeux de Marc Ramsay, si le boxeur le désire, il y a sans doute même encore plus de place à l’amélioration. « Pour moi, tant qu’un boxeur à ce désir d’apprendre, il y a toujours place à l’amélioration », a-t-il renchérit, citant l’exemple d’Artur Beterbiev qui, « à presque 40 ans », cherche encore à devenir meilleur.
La morale de l’histoire du combat Bazinyan-Macias, en fait, c’est un vieux cliché. Elle est décevante pour l’instant, mais excitante pour la suite : avant de rêver à un combat contre les vénérables du sommet, « Bzo » devra d’abord atteindre ou du moins s’approcher de son propre sommet. À méditer.
Le Rocky des rocheuses
La demi-finale du gala, opposant Steve Claggett au protégé de Miguel Cotto, Alberto Machado, s’annonçait comme la collision la plus compétitive de la soirée. Son résultat fut toutefois sans équivoque, alors que Claggett a complètement martelé l’ancien monarque des 130 livres, forçant un arrêt du coin après trois petits rounds.
« Ce n'est pas rien ce qu'il a fait. Il l’a brisé mentalement, avant de le briser physiquement, et ça, c'était contre un ancien champion du monde », a indiqué un Camille Estephan fier et impressionné, lançant sans hésiter que le « Dragon » est prêt pour quiconque parmi l’élite des 140 livres.
Il s’agit d’une sixième victoire de suite pour Claggett, tous avant la limite. Il met aussi la main sur un titre nord-américain et donc possiblement une place dans le top 15 de sa division.
En quelque sorte, c’est une histoire à la Rocky pour le dragon qui vole plus haut que jamais à 33 ans, c’est notamment pour ça que « tout le monde prend pour lui », comme le note Camille Estephan. Si le détenteur d’une fiche de 35-7-2 est fier de prouver que le nombre de défaites n’est qu’un chiffre, selon Marc Ramsay, c’est justement cette adversité qui lui a permis de se relever plus fort.
« Je le dis toujours, mais pour moi, tu deviens un vrai boxeur professionnel après ta première défaite », philosophe le directeur du développement d’EOTTM, dans une idée qui rappelle un peu à tout le monde de se calmer avant de juger le potentiel d'un boxeur à la suite d'une contre-performance.
AMD haut la main
Pour la deuxième fois en autant de combats cette année, Avery Martin-Duval (10-0-1) s’est offert une percutante victoire par mise au troisième round. Après un premier round d’étude, « The Future » a ébranlé Andres Sanchez Ramirez (6-7-3) au deuxième round et terminé le travail lors du suivant.
C’était le premier combat prévu pour huit rounds d’AMD, bien qu’il n’en ait eu aucunement besoin. « Je voulais tout sauf le knock-out, je voulais prendre mon temps, bien boxer, explique-t-il, se donnant un C- pour sa performance face à « Martillo », ce qui en dit long sur le niveau qu’il désire atteindre.
« Je suis capable de beaucoup mieux et beaucoup plus, je veux quatre ceintures dans une catégorie, je veux des chèques de 30 millions et quand ce sera fait j’en voudrais d’autres », explique l’énergique espoir de catégorie super-plume.
Ses objectifs sont grands, mais à sa faveur, le talent ne manque pas. Plus encore, l’engouement semble à la hausse autant sur le ring qu’en dehors. « Normalement je n’en fais pas, mais là j’ai fait ma vente de billet. Ma famille était là, mes amis étaient là, j’ai des amis qui ont misé de l’argent, alors j’espère qu’ils vont me donner mon 20% », a lancé à la blague celui qui a entendu plusieurs « Avery! » bien soutenus se faire entendre lors du combat.
Au-delà du talent, l’athlète entraîné par Lentz Lundy a aussi beaucoup de temps devant lui, deux jours après avoir signé sa 10e victoire professionnelle, AMD a soufflé ses 22e bougies. Quelques célébrations plus tard, le boxeur du Silvertooth Gym de Montréal ne s’éloignera pas trop du gymnase puisqu’il espère remonter sur le ring en septembre à Gatineau. Si cela se produit, cela sera à mi-chemin d’un retour aux sources AMD, un natif de Hawkesbury, aujourd’hui la fierté de la municipalité de Saint-Clet, petite municipalité de quelques centaines d’habitants « où on est tous des tueurs », précise le boxeur à la blague le boxeur fier de son patelin.
Chabot l’emporte in-extremis
Avant AMD, pour Thomas Chabot (9-0) aussi il s’agissait d’un premier duel prévu pour huit rounds et dans ce cas-ci, tous les assauts furent nécessaires pour départager un gagnant entre le Québécois et Luis « Archi » Bolanos Lopez (4-3-1).
Au final, après plusieurs rounds serrés et une importante coupure au visage du local, « le fantôme » de Thetford Mines en a fait assez pour convaincre deux des trois juges et ainsi remporter une victoire par décision partagée. Il s’agit de sa deuxième victoire par décision consécutive après avoir remporté ses sept premiers combats avant la limite. Plus encore, c’était son premier combat sous la gouverne de Jessy Rosse Thompson, suite au départ de Vincent Auclair à la tête de l’équipe nationale canadienne de boxe amateur.
Somme toute, ce n’était pas de la dentelle, certains n’étaient pas d’accord avec la décision et quelques huées se sont même fait entendre, mais le travail a été fait et le métier continue de rentrer.
« Ils doivent vivre de l’adversité pour apprendre », a sagement indiqué Andréanne Lambert, coordinatrice aux communications chez EOTTM, quelque part entre deux combats.
Une victoire, un enfant, ‘pas temps de niaiser’
Alexandre Gaumont (8-0) n’avait pas une secondaire à perdre lors de son combat face au polonais « Magik » Piotr Bis (6-3-1). C’est que le fils de l’Outaouais pouvait de nouveau devenir père lors du combat et espérait donc rentrer chez lui pour retrouver sa copine au plus vite. En faisant tout de même bien les choses, sur le ring, cela a paru. Bis a visité le plancher au premier round et deux fois au deuxième et la « Rockstar » de Buckingham pouvait rentrer chez lui l’esprit tranquille.
Le courageux Piotr Bis, lui, n’avait jamais arrêté et cela a aussi paru sur le ring. À chaque fois qu’il visitait le plancher, il rampait vers son coin pour ensuite se relever. Une technique étrange.
Pour en revenir au Québécois de 27 ans, une fois son congé de paternité complété, un combat de huit rounds sur le ring de Gatineau pourrait être une option intéressante en septembre. Évidemment, huit rounds, c’est presque davantage une suggestion pour remplir un papier puisqu’après maintenant huit combats, Gaumont n’a jamais dépassé le quatrième engagement.
Guerrero sort l’artillerie lourde
Christopher Guerrero a relevé un « défi de taille » en vainquant Heriberto Santillan Montano, au 5e round de leur combat prévu pour six. C’est que « Demoledor » n’a pas respecté sa diète en vue du combat, ce qui fait que l’affrontement s’est fait à 158 livres, soit le plus haut où Guerrero s’est battu jusqu’à maintenant.
Malgré cela, « Machine Gun » a surmonté quelques moments de frustration, suivant les conseils de son entraîneur Giuseppe Moffa pour ainsi arrêter Montano.
« Je revenais dans mon coin en disant à mes coachs, ‘qu’est-ce que je dois faire de plus?’. Et il me disait ‘relaxe, on doit juste continuer comme ça », raconte Guerrero, qui dit n’avoir ressenti « aucune fatigue », et ce, bien qu’il mitraillait régulièrement « le démolisseur », jusqu’alors invaincu (3-1), de combinaisons de trois-quatre-cinq et parfois même six coups.
Le Montréalais remporte ainsi une septième victoire en autant de combats, dont une troisième consécutive avant la limite. Se sentant « prêt pour le niveau supérieur », il pourrait lui aussi revenir en septembre dans ce qui serait son premier combat de huit rounds.
Wilkens Mathieu à l’écoute
Wilkens Mathieu (3-0) n’a mis moins que deux rounds pour complètement étourdir et ainsi arrêter « Jesus « Chuy » Frias Rodriguez. Mélangeant attaque au corps et à la tête comme il sait si bien le faire, tout « poivrant » son adversaire de jab, c’est une main droite à la tête qui a finalement mis fin au combat.
« J’utilisais beaucoup ma gauche et à moment donné, il y a quelqu’un, un ami de ma famille dans la foule, que j’ai entendu dire : ‘vas-y de l’autre bord, ta droite’. Puis, ‘tsé’, dans un combat, tout va vraiment vite, tu penses vraiment vite, donc à la dernière seconde je me suis dit ‘ah ouais, je vais essayer’ et BAM le gars est tombé », a narré le souriant espoir de 18 ans, qui devient encore plus heureux lorsqu’on lui parle de son prochain combat, chez lui, à Québec, le 19 août prochain.
« J’ai vraiment hâte, ça va être tout un événement, tout un gala, c’est à ne pas manquer! », a lancé celui qui sera de retour devant les siens pour une première fois depuis qu’il a joint les rangs payants.
Pardonne-moi Jhon
Un conflit d’horaire, le trafic du réseau routier de la Rive-Nord et la construction de celui de Montréal, tous combinés à une victoire expéditive de Jhon Orobio ont fait que BoxingTown Québec… a manqué le combat de Jhon Orobio. Déception. Ce qui n’est pas décevant, toutefois, après l’avoir vue en rattrapage, c’est la performance de Canado-Colombien qui l’a emporté en 1:30 face à un adversaire trop lourd de quelques livres la veille, soit Reymundo « El Rayo » Gutierrez (1-1).
Depuis ses débuts, plus tôt cette année, l’espoir de 19 ans casse tout sur son passage, affichant maintenant un dossier de 3-0, trois victoires acquises avant la limite, deux au premier round, une au deuxième. Au prochain gala, pour me reprendre et surtout apprendre à le connaître, je vous ferais le portrait du cogneur de 130 livres. Une traductrice sera peut-être nécessaire, puisque mon espagnol est plus que défaillant. Heureusement, au début de l’année, Camille Estephan disait qu’Orobio essayait déjà d’apprendre le français, alors on va peut-être pouvoir faire quelque chose sans recourir à Marie-Eve Albert aux deux minutes.