Je ne sais pas pour vous, mais suite aux défaites de mes pugilistes favoris, je suis toujours curieux de voir leur niveau de résilience. Hier soir, Kim Clavel (16-1, 3 KO) a dû baisser pavillon de façon très honorable face à la très sous-estimée Yesica Nery Plata, cédant du même coup son titre WBC des 108 livres. La Mexicaine a du même coup ajouté cette ceinture à celle de la WBA qu’elle avait obtenue en mars dernier face à l’Argentine Yesica Yolanda Bopp. Honnêtement, j’avais le même sentiment d’invisibilité que Clavel avait lorsque le premier son de cloche retentit. Puis l’improbable est survenu.
Un texte de François Bouchard
L’avant combat
Yesica Nery Plata (29-2, 3 KO) n’a pas fait de vagues. On a tous été floués par l’attitude « d’adversaire » qu’elle affichait, en parlant avec respect et simplicité. Ce n’est pas son premier rodéo en sol ennemi. Elle a discuté un peu de son plan de match, et c’est pas mal ça. Aucune déclaration flamboyante. Juste une professionnelle qui est venue effectuer son travail de façon méthodique et réfléchie.
Du côté de Clavel, on affichait la confiance de la favorite locale, à un point que son agenda semblait déjà préparé pour affronter l’actuelle tenante des autres ceintures IBF et WBO, la costaricaine Yokasta Valle et ensuite la star Senesia Estrada, ma boxeuse favorite du groupe, n’en déplaise à la charmante Kim. On dit souvent que c’est une erreur de voir son prochain combat avant celui qui nous attend, mais tout le monde a été pris au piège, incluant son promoteur GYM qui avait prévu des dates en avril et septembre pour l’ancienne finaliste de Big Brother saison 2. Clavel mentionnait avoir eu un dur camp d’entraînement, et de par sa forme et ce que j’ai pu en juger de ma télévision tout en sirotant mon Perrier citron, ça semblait effectivement le cas.
Le combat en soi
Après le 1er round, j’étais certain que le scénario attendu se produirait : une victoire par décision unanime sans trop discuter de Kim, du genre 7 rounds à 3. Clavel était incisive, rapide et ses coups semblaient toucher la cible avec autorité tandis que Plata tardait à se mettre dans le bain, son déclenchement de coups plutôt erratique (copyright Jean-Paul Chartrand Sr.). Encouragée par ce succès, la Québécoise a remis cela à l’assaut suivant, mais cette fois, la Mexicaine avait bien pris le temps d’analyser la machine de boxe devant elle. Comme je l’ai mentionné à mon rouquin préféré, Laurent Poulin, Plata s’est contenté d’utiliser son jab pour placer sa main droite à répétition, droite pour laquelle Kim n’avait aucune réponse. En boxe, le vieil adage dit que si le jab touche, la droite va toucher, et c’est ce que Plata a exploité durant la majorité des 9 reprises suivantes. Style pas compliqué, axé sur la base. Clavel a presque fait jeu égal, puisqu’on pouvait noter sa supériorité technique, ses déplacements en plus d’admirer son travail au corps. Cependant, pour chaque coup d’impact donné par Kim, Yesica répliquait avec des salves qui perçaient trop aisément la défensive de celle qu’on surnomme « KK », terminant ses répliques avec des combinaisons ponctuées d’un crochet de gauche en guise de point d’exclamation, saignement de nez à l’appui. De plus, son jab pourtant supérieur techniquement ne touchait la cible qu’en parcimonie. Après 7 reprises, même si on demeurait confiant dans le clan Clavel, on sentait bien l’urgence de la situation. Elle a donc été chercher les 8e et 9e reprises de par son acharnement, peut-être même le 10e round (la droite après la cloche de Plata, je ne la compte pas).
Le résultat
Ce n’était pas ce que l’on désirait, mais il est juste. J’avais une carte de 96-94 Plata, ayant donné deux rounds serrés à la favorite locale. Disons que je m’attendais à une nulle partisane, donc bien que je ne cache pas ma déception de voir une des miennes subir la défaite, j’étais bien plus heureux de voir une décision juste en faveur de Plata, en plus d’avoir assisté à une extraordinaire performance des deux boxeuses.
De retour sur la planche à dessin
On aurait tous aimé que Clavel l’emporte et passe ensuite Valle dans le tordeur pour obtenir un supercombat face à Senesia Estrada ensuite. Moi, je vois cette expérience comme une bénédiction déguisée. Premièrement, parce que Clavel sait maintenant qu’elle est loin d’être seule dans cette division. En second, tenant compte de la façon serrée qu’elle s’est inclinée, sa prochaine adversaire risque de subir les répercussions d’une jeune ex-championne qui n’a pas l’habitude de perdre souvent depuis les rangs amateurs. En troisième, pour citer Nelson Mandela : « Je ne perds jamais. Sois je gagne, sois j’apprends. » Et hier, Kim Clavel a appris de ce combat.
C’est quoi la suite?
Comme je le disais, ce genre de défaite peut se transformer en opportunité. C’est probable qu’une championne puisse voir Kim comme une défense optionnelle et sous-estime une Clavel affamée de reconquérir une ceinture. Sans compter que GYM pourrait inviter Plata pour une revanche, si l’ami Yvon délie les cordons de la bourse, d’autant plus qu’ils n’ont plus de têtes d’affiche avec un titre mondial. Il y a toujours l’option de faire un ou deux combats de mise en forme, mais est-ce que le promoteur peut se le permettre? Faut se comprendre là, une défaite ce n’est pas la fin du monde. Des boxeurs et boxeuses qui sont devenus et redevenus champions après une défaite, c’est arrivé à des Gatti des Lemieux, des Jean Pascal. Pourquoi pas Kim? Elle a cette éthique de travail et cette résilience pour y arriver, et ça ne fait aucun doute qu’elle va redevenir championne selon moi. Dans cette histoire, n’oublions pas Plata, que j’ai clairement sous-évaluée et sur laquelle je vais garder un œil attentif dans les prochains mois…
Mes deux cennes
Comme GYM l’a fait avec Marie-Ève Dicaire, je pense qu’Yvon ne se grattera pas trop longtemps la tête et va tenter de remettre Kim Clavel à l’avant-plan, soit en acceptant un combat de championnat lucratif aux États-Unis, soit en réinvitant une autre boxeuse de premier plan. Si vous me demandez mon avis, j’aimerais bien que Tina Rupprecht, l’adversaire de Senesia Estrada en mars prochain puisse déclarer forfait et que Kim prenne sa place afin de causer la surprise. Par contre, le meilleur scénario selon moi demeure une lucrative revanche pour la Mexicaine face à KK. Même si GYM prétend ne pas choisir cette route, Clavel voudra montrer qu’elle a grandi de l’expérience précédente. Si cela survient, je m’attends à ce que Kim mette davantage de pression sur Plata, tout en demeurant responsable défensivement. Ça me fait penser, suite aux critiques sur la grandeur du ring erronée, ce dernier favorisait nettement la Québécoise. En aucun temps cela n’était un facteur lors de l’affrontement. Et peu importe la grandeur de ce dernier hier soir, j’étais fier de la performance de Kim et de la qualité de ce combat.
En conclusion
À la fin des 10 assauts, nonobstant du résultat, j’ai dû me rendre à l’évidence de certaines choses : la boxe féminine a grandement amélioré son bassin de talent dans les dernières années. D’ailleurs, si vous désirez parfaire votre éducation comme moi, je vous invite à consulter les interventions de Marie-Ève Albert et de sa page 120 secondes. Jasez avec 5 minutes, elle va vous parler d’Ebanie Bridges comme un vieux « old-timer » va vous parler de Bob Foster ou de Kid Gavilan. Elle est impressionnante.
Aussi, bien que nous soyons collectivement déçus du résultat, nous avons eu droit à un candidat au combat de l’année. De plus, je crois qu’il faudra faire preuve d’encore plus d’ouverture quant à cedit bassin, qui s’étend bien plus loin qu’en Amérique du Nord. C’est exactement ce dont la boxe féminine avait besoin, et cela procure de l’espoir et surtout un exemple pour les générations futures, comme mes deux filles.