Un texte de Vincent Morin
BOSTON, 20 juin 2020 – J’ai toujours apprécié les négligés. Les plus belles histoires du sport proviennent de ces athlètes dont on ne donnait pas la moindre chance.
Ceux dont on ne donne pas la moindre chance, que ce soit le plus petit, celui qui n’est pas protégé par un promoteur, qui n’a pas une belle fiche, un beau style ou qui ne provient pas du bon coin de pays.
Jeudi à Las Vegas, on a pu avoir un superbe exemple du négligé en Clay Collard, un ancien combattant de l’UFC recyclé en boxeur professionnel après la résiliation de son contrat avec la firme de Dana White.
Un mi-moyen naturel (147 lbs), on l’a offert en pâture à jeune espoir invaincu chez les moyens (160 lbs). Il s’agissait de son troisième adversaire consécutif affichant aucun revers au compteur.
Quand il fait soleil, il fait soleil pour tout le monde. Même pour ceux qui vivent dans l’ombre. En anglais, une expression colle parfaitement à l’exemple : every dog has his day.
Jeudi soir, ce n’était pas chic dans le ring gracieux du MGM Grand Arena de Las Vegas, mais Collard n’avait pas de muselière et il n’a fait qu’une bouchée du protégé de Top Rank, David Kaminsky.
Duran, l’ultime négligé
Aujourd’hui, le 20 juin, c’est le 40e anniversaire du plus grand combat de boxe ayant eu lieu à Montréal. Il opposait le grand favori et champion olympique des Jeux de Montréal en 1976 à un véritable dur à cuire provenant d’une catégorie de poids plus légère en Roberto Duran.
Un contraste de style flamboyant entre un agile styliste et un bagarreur infatigable. Cette fois-ci, le négligé a remporté le cœur des Montréalais et du même coup l’affrontement. Duran a joué dans la tête de Leonard afin de le forcer à se battre avec lui au lieu de le boxer. La stratégie a porté fruit.
La dureté du mental comme dirait Bob dans Les Boys…
C’était plus qu’un combat pour Roberto Duran. Ray Leonard incarnait l’Amérique, un pays qui a occupé son Panama natal. Pour un enfant pauvre des ruelles qui a vu les soldats débarquer dans sa patrie et qui a grandi avec la haine des Américains, c’était l’occasion parfaite, son jour au soleil.
Duran était le plus petit, il était dans la cour de Leonard (Leonard a remporté sa médaille d’or à Montréal) et il voulait venger son peuple. Il représentait l’espoir d’une petite nation et il avait faim. Il n’avait aucun respect et aucune pitié pour son opposant. On a vu le résultat.
Every dog has his day. Et Duran a démontré qu’il en avait du chien.Combats entre boxeurs de différentes catégories de poids
Dernièrement, on a vu passer une rumeur de combat entre Manny Pacquiao et Gennady Golovkin.
Bien sûr, l’idée est complètement loufoque, puisque Pacquiao a remporté son premier titre mondial chez les poids mouches (112 lbs), tandis que Golovkin a évolué chez les poids moyens (160 lbs) toute sa carrière.
Toutefois, comme Pacquiao l’a notamment déjà démontré lorsqu’il est passé des poids légers aux mi-moyens pour battre Oscar De La Hoya, il y a des combats entre pugilistes de différents poids qui peuvent être excitants et réalistes.
Voici quatre face-à-face spéciaux qui obtiendraient toute mon attention :
Manny Pacquiao (147 lbs) vs Vasyl Lomachenko (135 lbs)
Tel que précédemment mentionné, Pacman a grimpé de division à de nombreuses reprises. Il a boxé chez les 112, 122, 126, 130, 135, 140, 147 et même 154 livres. Pourtant, il pourrait facilement boxer à 135 lbs naturellement. Dans ses derniers milles en tant que boxeur professionnel, le futur membre du Temple de la Renommée a encore une fois trouvé une façon de surprendre en juillet dernier face à Keith Thurman.
À 41 ans, faire face au combattant le plus spécial de la planète en Vasyl Lomachenko pour sa dernière sortie serait du grand art. Ce dernier, double médaillé olympique et champion de trois catégories chez les professionnels, est à mon avis le boxeur le plus complet et le plus complexe à solutionner tout poids confondu.
Résultat : nous aurions donc l’expérience professionnelle, la force physique et les attaques linéaires blitz de Pacquiao face à l’expérience amateur, la jeunesse et les angles énigmatiques de Lomachenko.
Roman ‘Chocolatito’ Gonzalez (115 lbs) vs Guillermo ‘El Chacal’ Rigondeaux (118 lbs)
Les combattants provenant des plus petites catégories de poids sont souvent snobés par le partisan moyen et les réseaux de télé, mais ces deux petits hommes ultra talentueux ont trouvé une façon respective d’attirer l’attention. En boxe, il n’y a rien de tel qu’un choc de styles. Et ici, nous avons deux stylistes aux stratégies opposées avec l’offensive de Gonzalez et la défensive de Rigondeaux.
Dans le cas de Chocolatito, il a été champion du monde à 105, 108, 112 et 115 livres. Variété de coups impressionnante, angles, défensive et contre-attaque savante, il est à mon avis le meilleur talent de petits poids depuis Ricardo ‘Finito’ Lopez.
En Rigondeaux, un double médaillé d’or olympique évité comme la peste en raison de ses habiletés défensives et de sa force frappe hors du commun, il trouverait un merveilleux rival. Comme le Cubain vient de descendre chez les poids coqs (118 lbs) afin d’enfin affronter des gladiateurs de son gabarit, seulement trois livres séparent les deux.
Résultat: un combat de boxe pure entre l’intelligente pression de Gonzalez et la brillante contre-attaque de Rigondeaux. Un véritable jeu d’échec de haut niveau dans le ring avec deux cerveaux au ring IQ phénoménal.
Tyson Fury (273 lbs) vs Oleksandr Usyk (215 lbs)
Le Gipsy King a évidemment un troisième tome à régler avec Deontay Wilder et possiblement une unification de titres avec Anthony Joshua dans les cartons pour 2021. Toutefois, rien ne nous empêche de rêver! À l’heure actuelle, il est le meilleur poids lourd au monde. Sa dernière prestation face à Wilder a été magistrale.
Usyk a remporté l’or aux Jeux de Londres, invaincu en World Series of Boxing et en boxe professionnelle, où il a tout raflé chez les lourds-légers (200 lbs) avant de passer chez les poids lourds lors de sa dernière sortie.
Résultat : un affrontement entre deux êtres excentriques à la forte personnalité et deux gros bonhommes aux habiletés incroyables. Le gabarit et la portée de Fury contre la vitesse des mains et le volume d’Usyk.
Saul ‘Canelo’ Alvarez (160 lbs) vs Artur Beterbiev (175 lbs)
Je sais que j’ai déjà mentionné ce duel auparavant, mais il s’agit d’une confrontation incroyable. D’un côté, le boxeur le plus populaire de la planète et de l’autre, le champion du monde avec le ratio de KO le plus élevé.
Incroyablement doué et s’améliorant de façon constante, Canelo Alvarez n’a plus rien à prouver chez les moyens et c’est pourquoi il a grimpé chez les mi-lourds pour affronter Sergey Kovalev. En lui passant le KO, il a prouvé qu’il pouvait rivaliser avec des bagarreurs naturellement plus costauds.
Beterbiev est champion unifié (WBC et IBF) des mi-lourds depuis son épatante victoire par TKO sur Oleksandr Gvozdyk. En 15 sorties dans les rangs payants, il a obtenu 15 victoires avant la limite. Sa force de frappe est terrifiante et il peut aussi bien éteindre les lumières de son rival à distance en contre-attaque qu’à l’intérieur, où il est une brute absolue.
Résultat : nous aurions l’expérience professionnelle, l’explosivité et l’étanche défensive d’Alvarez face à l’expérience amateur, la force brute et la précision de Beterbiev.
Par ailleurs, quelques boxeurs fleurdelisés seront également appelés à prendre part à d’importants chocs au pays de l’Oncle Sam sous peu. Je vous reviens avec mon analyse de ce qui s’en vient. Souriez, il recommence à faire beau!