Comme la nuit porte conseil, j’ai choisi d’en dormir 3 avant de participer au débat qui plane au dessus de la boxe depuis samedi dernier. Tous, de Richard Martineau à Nathalie Normandeau, se sont prononcés hier, et on en a mangé une sincère.
Étape no 1 : reconnaître le problème.
Je lis tout ce qui se dit sur internet ou dans les journaux. Rapidement, on se choisit un camp pour expliquer les choses…. ceux qui s’en prennent au Groupe Yvon Michel ou les autres qui diront que c’est le style à EOTTM. Je n’accuserai ni l’un ni l’autre, j’accuse la culture du zéro défaite et du gonflage de fiche qui existe depuis toujours.
Surtout lors des sous-cartes, les adversaires sont choisis pour perdre… offrir un minimum de résistance et de spectacle, mais surtout PERDRE. Les agents et promoteurs investissement des sommes qu’ils souhaitent récupérer lors de combats d’envergure, il n’est pas de leur intérêt de voir leurs athlètes se retirer prématurément après une défaite.
Je sais que vous allez me dire que c’est la pandémie ou que personne ne veut affronter untel parce qu’il est dangereux ou même le classique « on travaille avec un petit budget », mais c’est de la boxe et non de l’escrime. S’il n’est pas possible de faire un combat sécuritaire…. ne le faites pas. La sécurité doit être mise à l’avant-scène et ce devant la progression d’un boxeur et ce qu’il soit olympien ou gagnant des gants de bronze.
Reconnaître un matchmaking dangereux.
J’ai passé ma vie à passer pour un maudit fatiguant quand je dénonçais les combats inégaux et dangereux. Les promoteurs m’en veulent chacun à leur tour et à un moment ou à un autre, j’ai perdu des accréditations ou des commandites…. ainsi va la vie. Voici, pris dans ma mémoire mes pires souvenirs de duels.
Ma mère disait « arrête de jouer avec des allumettes, tu vas te brûler ».
1- Alexandra Ayala vs Marie-Eve Dicaire 2 : le 15 juin 2018, la Mexicaine subit la défaite par TKO face à Savannah Marshall…. 35 jours plus tard, elle dispute un combat de 10 rounds à la Place Bell.
2- Oscar Rivas vs Sergio Ramirez : 19 avril 2018. Le Mexicain a été appelé tellement à la dernière minute que selon mes souvenirs, il s’est pesé à l’hôtel le matin du combat. C’est peut-être un hasard…. mais il s’agissait du plus petit poids lourd sur BoxRec à 5 pieds 7… peut-être un hasard. Ça a duré 3 minutes.
Oscar Rivas vs Sylvera Louis : 16 mars 2021. Sylvera Louis provient de la division des 200 livres, 5 ans d’inactivité les séparait de cette date et son dernier combat a fini de manière percutante à Toronto avec masque d’oxygène et tout le kit. Le monde de la boxe a décrié ce combat et on sentait que l’arbitre voulait arrêter les choses car comme nous il connaissait le danger et l’historique de l’adversaire.
3- Arslanbek Makhmudov vs Dillon Carman : 10 octobre 2020. Après s’être fait assommer tour à tour par Simon Kean et Evegeny Romanov, quelle bonne idée de se présenter face au Lion. Tant qu’à ça… il aurait pu courir tête première dans le mur le plus proche. 11 secondes au compteur.
Arslanbek Makhmudov vs Pavel Sour : 23 juillet 2021. Je me suis étouffé plus longtemps que les 36 secondes du combat quand j’ai lu dans le communiqué de presse que Sour était coriace et expérimenté. Le pauvre Pavel venait de visiter le tapis 5 fois en 4 minutes face à Nathan Gorman (un petit 225 livres). Ici, on a évité une tragédie de peu.
4- Mon dossier préféré : David Lemieux.
J’ai une théorie qui va vous convaincre de me lancer des roches en plein poire. La puissance de David Lemieux est réelle, mais le tout a été amplifié par le promoteur et son matchmaker.
David Lemieux vs Glen Tapia : 7 mai 2016
L’Américain se fait passer le KO par Michel Soro qui n’est pas reconnu pour sa puissance et ce chez les 154 livres. Les 72 heures suivantes… il doit les passer à l’hôpital sous haute surveillance médicale. Son prochain combat sera contre David Lemieux dans la division au dessus… ça n’a pas duré longtemps.
David Lemieux vs Curtis Stevens : 11 mars 2017.
Le Québécois ne se présente pas à la pesée du jour même de la IBF…. sauf qu’on ne l’a pas dit à Stevens. Lemieux a donc profité d’une nuit, d’une réhydratation prolongée et le résultat est assez clair…. Custis Stevens dort encore.
David Lemieux vs Francy Ntetu : 10 octobre 2010.
Après s’être fait arrêté par Marcus Browne en quelques secondes et Erik Bazynian en 6 rounds… c’était probablement pas la meilleure des idées de l’opposer à David Lemieux.
David Lemieux vs David Zegarra : 4 juin 2021
Zegarra a subi une défaite en 4 rounds face à Erik Bazynian et revenait d’une défaite face à Stefan Haertel quand il a affronté David Lemieux. Je vous laisse deviner la suite… les indices, boucherie et quelques minutes.
Batyr Jukembayev vs Gabor Kovacs : 3 mars 2018….. 28 secondes. Le Hongrois avait une fiche gonflée à l’hélium en affrontant souvent le même boxeur.
Voilà beaucoup de négatif dans le même texte, mais ne vous en faites pas, les solutions arrivent.
Sans demander au gouvernement d’agir, voici certaines recommandations entendues ici et là pour s’auto-réglementer.
Les solutions
L’idée d’Yvon Michel, ne plus faire boxer contre un de ses athlètes, un boxeur ayant subi le KO à son dernier combat.
L’idée de Camille Estephan, forcer un boxeur passé KO à prendre un congé de 6 mois, incluant les coups reçus en sparring.
Je rajouterai à tout ça:
Le règlement Michel Hamelin, ne pas amener en sol québécois un boxeur avec une fiche négative lors de ses 3 dernières sorties.
Je propose pour ma part que la régie ait un contrat signé pour chaque combat 30 jours à l’avance. On éviterait les combattants « short notice » qui se déshydrate en énervé ou qui ne sont simplement pas en shape.
La régie doit aussi obtenir tous les vidéos des boxeurs étrangers et les analyser… pas simplement lire BoxRec. Y’a tout un monde entre le test de l’œil et de la lecture.
Pour le reste… la culture de la boxe doit être appelée à changer. On doit moins s’occuper des fiches que de qui a été battu. Une victoire contre un ex-aspirant mondial doit prévaloir sur 5 KOs de suite face à des fiches négatives.
Avant d’autoriser chaque combat, la régie doit se poser la question suivante: est-ce que quelque chose est louche, si un accident a lieu, sera-t-il trop facile pour les journalistes de s’attaquer à l’intégrité du sport? Si on arrive à faire tout ça, le spectacle n’en sera que meilleur et les accidents plus rares.